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Photo du rédacteurRomain Pilloud

Être Suisse·sse, c'est être comme on veut... et puis c'est tout !


Une vache caressée par un homme dans les Alpes suisses

A la question "C'est quoi, être Suisse·sse", on peut tenter d'apporter une multitude de réponses. Est-ce que c'est embrasser tout ce que fait le pays, tout ce qu'il est ? Probablement pas. Il y a des libertés et des droits dont on peut se réclamer avec une certaine fierté. Mais si l'on se réfère à la fameuse phrase du préambule de la Constitution "La force de la communauté se mesure au bien-être du plus faible de ses membres", on peut raisonnablement critiquer le traitement que réservent des institutions politiques de notre pays aux plus faibles de la société. Vous avez compris l'idée : plaque tournante de la spéculation alimentaire et des matières premières, pays profondément marqué par la spoliation d'autres pays de par sa politique fiscale, pays vivant l'inégalité femme-homme, des droits sociaux régulièrement menacés, des inégalités grandissantes, une part importante de la population aux portes de la précarité ou encore un accès au système de santé en voie de se dégrader pour les plus précaires, il y a de quoi déchanter.


Et puis, si on peut raisonnablement se rassurer de notre système de démocratie semi-directe, n'oublions pas que des millions d'étranger·ères dont certain·es vivent depuis longtemps dans notre pays (voire y sont né·es) sont privé·es du droit de vote et d'éligibilité. Et que l'on sait que le taux de participation augmente au fur et à mesure que l'on a une formation et des moyens financiers élevés. Il y a donc beaucoup d'efforts à faire, encore, pour que nous puissions nous gargariser de notre démocratie si imparfaite. Mais ce n'est pas l'objet de ce petit article (j'en ferai peut-être un autre sur la question).


A cette même question de l'identité suisse, Ada Marra (Conseillère nationale socialiste) avait tenté une réponse il y a quelques années, malheureusement massacrée et déformée par ses adversaires politiques et une partie de la fachosphère. En substance, elle disait : "LA Suisse n’existe pas. Ce sont les gens qui y habitent qui existent". Si on ne veut pas tronquer son message, il s'agissait clairement d'un message de paix et d'unité qu'autre chose. Il s'agissait de dire que la Suisse, composée de 8 millions d'habitant·es, a 8 millions de façons de vivre, de voir, de constituer notre pays. Avec pour chacun·e ses particularités culturelles, ses expériences et vécus : quelques exemples parmi d'innombrables :


Quand on est un immigré italien, quand on naît à Appenzell ou à Lausanne, quand on est ouvrier, infirmière, qu'on a fui la guerre, que nos parents ont vécu la privation ou qu'on peut partir chaque année à l'autre bout du monde pour ses vacances, quand on est une "secundos", quand on est afrodescendant.... Nos vies sont faites d'expériences diverses et variées dans notre pays, qui contribuent à la constitution de notre identité. Je rejoins volontiers cette définition.


Vivre librement en Suisse, vraiment ?

Cet été et ces derniers mois, on a vu se renforcer une contre-offensive conservatrice très marquée en Occident, y compris en Suisse. A coups de "wokistes !", "mondialistes !", puis de dérapages masculinistes, homophobes ou xénophobes, d'aucun·es ont voulu faire comprendre que sous prétexte de "préserver les traditions", de "préserver la civilisation chrétienne", "d'éviter la décadence", "d'empêcher le grand remplacement", ou de "conserver une certaine idée de l'identité suisse", il fallait mobiliser pour empêcher les gens d'être eux-mêmes ou empêcher les minorités de prendre la parole. Les Jeunes UDC suisses ont récemment parlé des LGBT comme étant "décadents" (et l'UDC Suisse n'a pas bronché, alors qu'on tombe clairement dans du pénal !). Sur les réseaux sociaux, on revoit des parallèle entre LGBT et pédophilie, dont un commentaire récent sur mon profil pour lequel je vais porter plainte. Malheureusement, même une partie plus politiquement modérée rentre dans cette dangereuse mouvance, en utilisant le terme "wokisme" à tout bout de champ, qui est devenu un fourre-tout contre toute mesure progressiste ou visant à protéger les plus faibles de notre société. L'UDC Vaud a également récemment fait un communiqué faisant un grave amalgame étranger = violence (en ciblant notamment les portugais, bosniens, somaliens, bosniaques, géorgiens, serbes). La chasse au bon ou au mauvais résident recommence. Il y aurait celles et ceux qui méritent, et les autres. D'ailleurs, cela se ressent ces dernières années : pour espérer obtenir la nationalité, il ne faut pas avoir touché d'aide sociale pendant les trois années précédent sa demande de naturalisation et durant toute la procédure de naturalisation. Le message est très clair : vous êtes pauvre, vous ne méritez pas d'être Suisse·sse. L'UDC vient encore d'annoncer vouloir expulser les étranger·ères à l'aide sociale.


"Les Jeunes UDC suisses ont récemment parlé des LGBT comme étant "décadents" (...). L'UDC Vaud a également récemment fait un communiqué faisant un grave amalgame étranger = violence. (...). Le message est très clair : vous êtes pauvre, vous ne méritez pas d'être Suisse·sse"

Aux Etats-Unis, les choses sont allées bien loin en la matière de discrimination. Les conservateurs retirent les livres avec autre chose que des histoires hétérosexuelles, réécrivent l'histoire de l'esclavagisme, interdisent l'avortement. Plus proche, en Italie, on retire la sécurité juridique des familles homoparentales. En France, on menace des élues de gauche radicale de viol ou on bloque physiquement les frontières pour empêcher des migrant·es de pénétrer le territoire, malgré des situations humanitaires catastrophiques. Les conservateurs ont aussi réussi à interdire un concert de Bilal Hassani dans un ancien lieu de culte à force de menaces de mort. Partout, et notamment à cause des réseaux sociaux, on entend même des femmes d'extrême droite très populaires exiger le retour de la femme à la cuisine ou pointer du doigt les femmes qui vivent autrement qu'en couple monogame hétéro. Le message est clair : Il y a des bons et des mauvais dans notre société. Il y a celles et ceux qui en font la fierté, et celles et ceux qui lui font honte. En contradiction complète avec des luttes vieilles de plusieurs décennies sur la liberté d'être soi, sur l'égalité, sur le fait que la majorité est aussi chargée de protéger les minorités, un élan qui veut faire table rase de toutes ces luttes se renforce continuellement en Occident. Cet élan est traditionnaliste, conservateur, liberticide, haineux.


Il faut réaffirmer une résistance face à ce conservatisme, qui est un mot bien faible pour désigner la violence des propos tenus ces derniers mois et ces dernières années et ce retour à une volonté traditionnaliste. En Suisse aussi, on remet en question le droit à l'avortement. En Suisse aussi, quand on est une minorité, on se fait insulter, menacer. Pour son origine, pour son ethnie, sa religion, sa nationalité, sa richesse (enfin, surtout sa pauvreté), son orientation sexuelle, son identité de genre, sa situation professionnelle, son engagement, sa façon de s'habiller....


Non, il n'y a pas une définition juste pour dire si l'on est un·e bon·ne, un·e mauvais·e Suisse·sse, un·e Suisse·sse de premier rang ou de seconde zone. Personne n'est plus "suisse" que quelqu'un d'autre car il chante l'hymne national, parce qu'il est blanc, parce qu'il porte une chemise Edelweiss ou a fait l'armée. Être Suisse·sse, c'est une définition à soi. Ne laissons pas des mouvements conservateurs façonner ce que doivent être chaque individu dans notre pays, décider de ce qui est juste ou mauvais dans l'identité de chacune et chacun d'entre nous. On peut être fier·ère de notre pays ou pas, on peut l'aduler ou le critiquer. Chaque personne résidente de notre pays mérite d'être respectée.


Si la force de la communauté se mesure au bien-être du plus faible de ses membres, il y a en tout cas un long chemin à parcourir.








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